
Mobilité virtuelle Wichita, Kansas
Mobilité virtuelle : en ligne parfois, sur les lignes toujours !
(Projet de Ch. JUILLOT, professeure d’anglais au lycée Pothier à Orléans)
Publié le 05/05/2025
Nous sommes tous conscientes et conscients de la nécessité de faire vivre nos matières au delà des salles de classes, non seulement dans le but de motiver les élèves en donnant à leur apprentissage des applications concrètes et immédiates, mais aussi tout simplement parce qu’il en est ainsi : nos matières n’existent qu’ancrées dans la vie, la vraie, celle qui se trouve hors des murs de nos écoles.
C’est dans cet état d’esprit que, professeur d’anglais en lycée, j’ai toujours essayé de trouver des correspondants anglophones à mes élèves, et à d’autres. Des adolescents, comme eux, qui vivent les mêmes vies qu’eux, mais différemment, qui parlent la langue qu’ils apprennent et apprennent la langue qu’ils parlent. Et depuis le début de ma carrière (il y a de cela un certain temps, maintenant…) j’ai toujours privilégié les échanges de lettres. De vraies lettres, écrites à la main, sur papier libre, qu’on envoie par la poste et que l’on reçoit, en classe, dans une grande enveloppe que l’on a hâte de voir le professeur ouvrir, pour que chaque élève puisse enfin recevoir la missive tant attendue. Et oui, les lettres, ça s’écrit, ça s’envoie et ça s’attend… parfois longtemps. Mais quelle explosion de joie dans la classe lorsque chacune et chacun lit la lettre qui lui a été personnellement destinée, avant de la montrer joyeusement aux camarades, tout en s’extasiant sur les quelques photos collées au dos, ou en jalousant l’emploi du temps joint à la lettre et qui montre que les correspondants terminent les cours à 15h, eux !!

Au fil des années, j’ai eu des contacts avec des collègues de français dans des villes d’Angleterre, d’Australie, de Nouvelle Zélande ou des USA…et nos projets communs ont fonctionné un certains temps, avant de s’éteindre, malheureusement. Mais depuis 3 ans déjà, je coordonne un projet de mobilité virtuelle avec 2 lycées situés à Andover, dans la banlieue de Wichita, Kansas ; et ce projet fonctionne à merveille !
Il faut dire que Wichita est l’une des deux villes jumelles américaines d’Orléans, et que les liens qui nous unissent sont très forts (solidement ancrés sur les bases historiques de la libération de notre ville par un régiment de soldats américains venus du Kansas, et beaucoup de Wichita même, le 16 août 1944). Ces liens uniques sont entretenus au coeur même de nos villes respectives, dans le prolongement des services municipaux, par des associations qui font vivre cette diplomatie citoyenne (WASC à Wichita, et OW-NOLA à Orléans). C’est d’ailleurs grâce au président d’OW-NOLA (M Laurent Doisneau-Herry) que j’ai pu être mise en contact avec mon homologue américaine : Mrs L. Ward, d’Andover Central High School, qui a invité Ms K. O’Dea d’Andover High School à se joindre à notre partenariat, un an plus tard. De mon côté, au Lycée Pothier, d’autres collègues d’anglais (Mme F. Sajdak, Mme D. Mensah et M Q. Navarro) participent activement à ce projet avec moi.
Dès le départ, Mrs Ward et moi-même avons décidé de faire communiquer nos élèves moitié en anglais, moitié en français, afin de favoriser la réception et la production des deux langues apprises, en même temps. Toutefois, à la différence de mes collègues américaines qui évaluent la production écrite de leur élèves, j’ai fait le choix de ne pas noter les lettres des miens. Je les aide, à leur demande, pour qu’ils ne soient pas frustrés dans leur expression, et j’interviens parfois pour les faire réfléchir sur certains faits de langue en lien avec le contenu des lettres, mais je souhaite que cela reste un moyen de communication authentique avant tout. Un plaisir, pas un devoir, dans tous les sens du terme.
Une partie du contenu est orienté par les choix respectifs des enseignants (en lien avec l’actualité, un thème traité en cours, une fête du calendrier, la découverte de nos villes et de nos modes de vie respectifs…), l’autre est libre, décidée par chaque élève en fonction de ses envies. Bien entendu, les questions sont plus qu’encouragées, et ce des deux côtés.Naturellement, les élèves n’hésitent pas à échanger leurs contacts sur les réseaux sociaux, et à enrichir ainsi la communication de manière encore plus authentique pour eux.
Côté enseignants, nous aimons inclure différents documents à chacun de nos envois (magazines, journaux, prospectus, marque pages…), tout ce qui peut être partagé avec les élèves et ainsi rendre la langue et le pays encore plus palpable, plus tangible, pour eux.
Par ailleurs, et comme il y a deux ans, j’ai aussi proposé à mes élèves de partager leur quotidien, en ville et à l’école, à travers des photos, enregistrements audio et vidéos, postés en ligne sur un site collaboratif gratuit. Ce projet s’est fait sur la base du volontariat, non noté non plus, et je suis admirative devant la mobilisation massive des élèves et leurs multiples contributions actives. Les liens vers ces deux pages virtuelles ont ensuite été communiqués aux correspondants, qui ont adoré, et se sont engagés à faire de même le plus rapidement possible.
Lors des récentes vacances de printemps, je suis allée à Wichita (avec l’association OW-NOLA d’Orléans) où j’ai passé une semaine entière, hébergée par mon homologue américaine Mrs L. Ward et son époux. Là bas, j’ai eu la chance de pouvoir me rendre dans les deux lycées d’Andover où Mrs L. Ward et K. O’Dea enseignent le français, et où j’ai pu rencontré leurs élèves, voir leur enthousiasme, et entendre de leur bouche à quel point, eux aussi, aiment être acteurs de ce projet. J’ai pu remercier de vive voix, mes collègues et leurs élèves, et leur dire combien leur engagement compte pour chacun et chacune des élèves du Lycée Pothier partie prenante dans ce partenariat.
Je terminerai ce moment de partage avec vous en disant simplement qu’au delà même de ce projet de mobilité virtuelle scolaire, j’ai pu constater, lors de ma semaine avec les citoyens de Wichita, à quel point les liens interpersonnels qui nous unissent sont essentiels et précieux ; et combien il est important de s’assurer qu’ils soient partagés avec le plus grand nombre. Je ne vous apprendrai rien en disant que les relations entre jeunes citoyens, le partage et la découverte de nos langues et cultures respectives, bien au-delà des cours et des salles de classe, sont les fondements d’un avenir pacifique.
Nous le savons, et c’est pourquoi faire correspondre nos élèves, les mettre en relation avec l’autre, les autres, prend tout son sens, et pourquoi je crois si profondément à l’échanges de lettres, qui s’écrivent, s’attendent et se gardent, hors de l’immatérialité de notre monde numérique.

Source des illustrations : Pixabay (images libres de tout droit)