
[FR] Le carnet de lecteur, un levier pour étudier l’œuvre longue
Publié le 12/03/2025
Le carnet de lecteur, un levier pour étudier l’œuvre longue.
Entrer dans la lecture d’une œuvre longue peut s’avérer difficile pour de nombreux élèves. Les freins sont divers et le carnet de lecteur peut être un outil pour aider les élèves à entrer dans celle-ci et à s’approprier une œuvre. Il peut permettre de débattre, d’exprimer ses émotions et sa singularité, de développer son esprit critique et son sens artistique. C’est un moyen de pratiquer la lecture différemment pour l’élève et un point d’appui pour le professeur de Lettres afin de surmonter les résistances.
Lire, un acte fondamental pour l’élève et l’individu.
Dans les programmes, la lecture est partout. En Terminale notamment, on trouve les mentions suivantes « Devenir un lecteur compétent et critique ; adapter sa lecture à la diversité des textes » et aussi « Parmi les pratiques culturelles, la lecture et l’étude des textes littéraires offrent à chacun des occasions d’appréhender les idées, les valeurs, les sentiments qui marquent l’expérience humaine ». Cela résonne avec la citation de Todorov dans La Littérature en péril (2007) : « La littérature peut beaucoup. Elle peut nous tendre la main quand nous sommes profondément déprimés, nous conduire vers les autres êtres humains autour de nous, nous faire mieux comprendre le monde et nous aider à vivre. Ce n’est pas qu’elle soit, avant tout, une technique de soins de l’âme ; toutefois, révélation du monde, elle peut aussi, chemin faisant, transformer chacun de nous de l’intérieur ». Lire est donc un acte presque engagé, qui va au-delà de la seule question du diplôme.
Pourquoi et comment utiliser le carnet de lecteur ?
Pour accomplir cet ambitieux projet de lecture, il faut, tout d’abord, identifier et lever les freins à la lecture du côté des élèves (diversité des profils, rapport difficile à la lecture, à l’écrit, élèves allophones…). Les profils des lecteurs en LP sont hétéroclites, l’exercice pour le professeur consiste, souvent, à réconcilier avec la pratique les « petits lecteurs » tout en accompagnant encore plus loin les autres.
Pour ces petits lecteurs, il faut particulièrement expliciter les enjeux de la lecture de l’œuvre longue et la finalité de cet enseignement dans la perspective du diplôme. Mais il est essentiel d’aborder, aussi, la question du rôle de la lecture dans le cadre de la construction générale d’une culture personnelle et dans celui du monde professionnel où l’écrit est partout.
Dans ces perspectives, le carnet de lecteur est un outil pour lire, en questionnant le monde, autour de thématiques en lien avec le programme, avec des questions sociétales ou des problématiques contemporaines. Il s’agit de montrer que la littérature est vivante et qu’elle invite à reconsidérer et à interroger la vision du monde. Lire, pour questionner la réflexion personnelle des élèves, pour la consolider mais aussi pour la remettre en question, la bousculer, la bouleverser.
Dans la forme, que faire ?
Avant d’entrer dans la lecture, on peut commencer par dédramatiser celle-ci. Il s’agit de penser des outils comme, par exemple, une fiche d’auto positionnement sur son rapport à la lecture, ou une étude des droits du lecteur de Pennac ou tout autre chose qui dépassionnerait la question. L’important est de discuter, d’échanger, d’écouter les élèves et de montrer que lire, ça peut être agréable, c’est comme on peut, c’est comme on veut et c’est forcément s’enrichir et se mettre en capacité de réussir, qu’on soit lecteur débutant ou confirmé.
Une fois ces craintes désamorcées, vous pouvez choisir de créer le carnet de lecteur, version papier ou numérique, seul ou avec les élèves. Ce dernier choix a l’avantage d’intégrer les élèves et d’obtenir leur adhésion.
Plus le carnet est « libre », plus les élèves pourront se l’approprier. En d’autres termes, nul besoin de surcharger le carnet de lecteur, de multiplier les consignes. Un simple titre suffit souvent et permet aux élèves d’être créatifs dans le cadre d’une lecture qui met en avant (comme nous le rappellent les programmes) la sensibilité et les émotions des lecteurs-élèves. Ce peut être une page intitulée : « portrait chinois du roman/personnage principal » ; « résumé des chapitres et illustrations » ; « CV/lettre de motivation d’un personnage » ; « blason/devise du personnage/livre/auteur » ; « arbre généalogique/liens entre les personnages » ; « frise chronologique » ; « critique du livre » ; etc. Mais aussi des pages dévolues aux dessins, collages, des nuages ou mots etc. L’imagination du professeur et des élèves n’a pas de limite. De plus, l’enseignant peut choisir de différencier en ajoutant, complexifiant des pages au carnet.
Il faut, également, laisser la possibilité aux élèves de ne pas écrire des paragraphes mais de faires des cartes mentales, des dessins, de brouillonner, etc. Il ne faut pas s’en formaliser, c’est un objet sensible.
De fait, le carnet de lecteur est personnel, objet d’échanges dans la classe. Il ne peut donc être évalué (sauf bonification, c’est très subjectif).
Un outil qui peut beaucoup, pourquoi s’en priver ?
Pour conclure sur ce sujet qui mériterait d’être traité plus longuement, le carnet de lecteur est un outil central et une aide précieuse lors de l’étude de l’œuvre intégrale. Mais il peut ouvrir vers d’autres objets : le carnet de visite(s)/sortie(s) scolaire(s), le carnet de lecture d’un groupement de textes, le carnet de PFMP, ou de projets (exposition au CDI, table ronde, cloud établissement…).
Le carnet de lecteur stimule la réflexion et l’imagination des élèves, comme celles des professeurs.
Il peut guider les étudiants dans le cours et les aider à réviser avant le diplôme (notamment pour l’épreuve de contrôle).
Il peut être présenté aux petites classes (dès le cycle 2) comme aux étudiants, en LP comme au lycée général. Il ne fait pas le cours à la place du professeur et des élèves mais c’est un levier, une annexe centrale pour la lecture d’une œuvre, sa compréhension, mais aussi pour l’écriture.
Enfin et surtout, il peut donner à nos élèves le goût de la lecture et les aider à prendre confiance en eux, à ouvrir leur esprit et leur appétit... de lecture, (pour ?) toujours !
Nada Begault
Pistes bibliographiques :
Ahr, S., Former à la lecture littéraire, Maîtriser, Canopé éditions, 2014
Larrivé, V., Le journal de lecteur : objet, activités, enjeux pour l’élève, novembre 2019, Paris (eduscol)
Lemarchand, S., Devenir lecteur, l’expérience de l’élève en lycée professionnel, Paideia, Presses universitaires de Rennes, 2017,
Lemarchand, S., Lecture subjective en classe et avènement du sujet lecteur : étude longitudinale en lycée professionnel, 2014 (lien)
Le Goff, F., Larrivé, V., Le temps de l’écriture, écritures de la variation, écriture de la réception, UGA éditions, 2018
Shawky-Milcent, B., La lecture ça ne sert à rien, Usages de la littérature au lycée et partout ailleurs, Partage du Savoir, PUF, 2016