Entrer en littérature par le jeu d’évasion pédagogique

Scénario proposé par Elodie Lahaye et Céline Viot

Découverte des contes des Mille et une nuits par le jeu d’évasion pédagogique

Publié le 30/01/2025

Contexte

Entrer dans la lecture d’une œuvre complexe est un défi auquel chaque enseignant de Lettres est confronté. Comment développer des pistes pédagogiques innovantes pour créer un véritable questionnement sur les œuvres avant même d’entrer dans la lecture elle-même ? Et comment engager l’élève dans la lecture en prenant en compte sa subjectivité ? Telles sont les réflexions qui nous ont menées à utiliser le jeu d’évasion pédagogique comme moyen pour entrer dans la lecture d’une œuvre et ainsi susciter l’envie de lire chez les élèves.
Ce scénario a été élaboré en classe de cinquième afin de faciliter la compréhension et la lecture des contes des Mille et une nuits. C’est en effet une œuvre complexe qui présente plusieurs difficultés liées au cadre, au contexte historique et politique éloigné des élèves, au vocabulaire, aux multiples personnages ainsi qu’au principe des histoires enchâssées. Ce travail s’inscrit également dans le prolongement du cours d’Histoire consacré à l’Empire Byzantin.

Objectifs

Des objectifs disciplinaires :
 définir la notion de héros en interrogeant le statut même de chaque élève au cours du jeu.
 comprendre le contexte de diffusion de ces contes
 travailler des compétences de lecture, lexicales et orales
 découvrir le récit-cadre des Mille et une nuits et faciliter l’entrée dans la lecture des contes
Et le développement de compétences psychosociales cognitives (résoudre des problèmes), émotionnelles (gérer ses émotions) et sociales (travailler en groupe et coopérer, communiquer de façon constructive).

Déroulé de l’activité/de la séance

Phase 1 : le jeu d’évasion pédagogique
Il s’agit ici de faire jouer la classe entière (30 élèves) d’où le choix d’un scénario linéaire qui converge à la fin. Les élèves sont donc répartis en six équipes. Celles-ci jouent en parallèle des énigmes similaires mais non identiques. Chaque étape ne peut être franchie que si toutes les équipes ont résolu leurs propres énigmes. Ceci permet de réserver un bon équilibre entre jeu individuel, collaboration et coopération, en limitant l’effet compétition.

La séance commence par la présentation de la mission confiée aux élèves :

Pour se venger de sa femme qui l’a trompé, le sultan Shahriar prend une décision terrible : il épousera chaque soir une jeune fille qui sera tuée le lendemain au lever du soleil. La fille du vizir, Shéhérazade, souhaite épouser le sultan pour faire cesser ce fléau.
Plongez au cœur de l’Orient et aidez la jeune femme à trouver la ruse qui lui permettra d’échapper à la mort ! Il vous reste moins de 45 minutes avant le lever du jour ! Faites vite ! Observez, coopérez et soyez efficaces !

Cette mise en situation favorise l’immersion et permet de lancer la séance.

Chaque groupe dispose d’une enveloppe contenant trois énigmes déclinées en six groupes :
  Une énigme de codage permettant de découvrir Antoine Galland, traducteur et auteur des contes
  Un puzzle révélant des coordonnées géographiques qui permettront de retracer le parcours des contes du Moyen-Orient jusqu’en France.
  Un exercice de vocabulaire interrogeant l’étymologie arabe de certains mots français.

La résolution de chacune de ces énigmes permet aux élèves d’obtenir un chiffre. Il faut alors que les équipes coopèrent en multipliant les chiffres obtenus afin d’ouvrir le coffre qui va contenir un cryptex contenant une nouvelle énigme.

A partir d’un texte, chaque équipe doit trouver une lettre pour reconstituer le mot SÉSAME.
Les élèves doivent ensuite retrouver dans la salle un objet ou une affiche présentant le titre des contes des 1001 nuits en écriture arabe.

Ils accèdent ainsi à l’ultime épreuve : chaque groupe possède une partie du récit de la ruse de Shéhérazade écrite en lipenchais. Ils doivent donc décoder le sens de lecture du texte puis toutes les équipes doivent se retrouver pour lire les six parties du texte à voix haute dans le bon ordre afin de libérer la jeune femme.

Afin de suivre la progression et de garder trace des énigmes rencontrées, les élèves ont une fiche de suivi qui les a accompagnés tout au long de la séance.

Feuille de route

Phase 2 : Le débriefing
La première étape du débriefing consiste en un recueil des émotions de l’élève. Cette phase doit avoir lieu le plus tôt possible, juste après jeu. Vivre un escape game est une expérience forte et il est nécessaire de laisser les élèves se libérer de cette surcharge émotionnelle.

Recueil des émotions

Vient ensuite la phase des enseignements. En revenant sur les énigmes rencontrées, il s’agit de vérifier ce que les élèves ont compris, découvert ou appris. Cela permet de vérifier que les objectifs pédagogiques de l’activité sont atteints.
On peut alors passer à la phase de conclusion en leur faisant noter les éléments essentiels à retenir avant d’étudier les contes.

Fiche bilan des connaissances

Bilan

L’escape game a pour but de faciliter l’entrée dans des œuvres difficiles au contexte riche et de créer des horizons d’attente. Le jeu a permis aux élèves de s’engager et de susciter leur curiosité afin de leur permettre de s’approprier les éléments nécessaires à la compréhension globale de l’œuvre qui sera ensuite étudiée. Dans un tel contexte, l’escape game permet de développer de nombreuses compétences : lecture, compréhension, raisonnement, coopération. Sauver Shéhérazade devient ici symbolique : résoudre l’ultime énigme, déverrouiller le dernier cadenas ouvrent la porte sur une meilleure compréhension de l’œuvre. Ce retour d’expérience sert à montrer comment la ludification est une clé à creuser pour entrer dans la lecture d’une œuvre complexe.
Le jeu permet également d’acquérir des éléments de culture littéraire et des clefs de lecture avant même l’entrée dans le texte. Grâce aux différentes énigmes proposées, les élèves ont ainsi compris l’idée de récit-cadre et d’enchâssement des histoires (comme des énigmes). Ils ont également pris conscience du voyage de ces contes, des mots, ce qui a permis d’aborder des notions lexicales. Les principales composantes d’un conte ont aussi pu être révisées : la présence d’un opposant, d’un adjuvant, le rôle joué par le merveilleux, la fonction morale et aussi divertissante… Autant d’éléments qui ont permis ensuite une entrée plus facile dans la lecture des aventures de Sindbad, d’Ali Baba…

Le débriefing réalisé suite au jeu d’évasion pédagogique a permis de revenir sur ce qui avait été compris ou non et les éléments essentiels à retenir pour comprendre l’œuvre et le récit cadre ont été consignés.

Les émotions sont également un atout car elles permettent d’impliquer l’élève dans sa subjectivité qui est un des éléments essentiels à prendre en compte lors de l’acte de lire.

La question du temps de préparation pourrait représenter un frein. Il s’agit bien ici de penser autrement la manière d’aborder la lecture avec des élèves et de les impliquer. Le temps n’est rien en comparaison de l’apport d’une telle pratique pour les élèves : une meilleure compréhension, un réinvestissement des compétences et surtout un réel plaisir de lire, de découvrir.