Les sous-titres : que dit la recherche ?
Publié le 28/11/2024
L’article « Pour apprendre une langue étrangère, les films sous-titrés sont-ils utiles ? », publié dans The Conversation le 15 mars 2022 et rédigé par Xavier Aparicio (Maître de conférences en psychologie cognitive, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)), revient sur l’efficacité des sous-titres dans l’apprentissage d’une langue en termes d’acquisition de lexique et de développement des compétences. Les propos de l’article sont fondés sur les résultats de la recherche scientifique.
Cette page propose un retour sur les points-clés de l’article et sur l’exploitation pédagogique qui peut être faite des sous-titres.
Compréhension audiovisuelle et usage des sous-titres
L’objet des sous-titres est de faire en sorte que le téléspectateur et la téléspectatrice saisissent le sens d’un dialogue dans une langue peu voire non maîtrisée.
Néanmoins, l’usage des sous-titres aura un impact différent – positif ou négatif – en fonction de plusieurs aspects :
- Le niveau de compétences dans la langue cible de l’apprenant,
- Le type de sous-titres exploité,
- L’objectif d’apprentissage (à l’échelle du lexique ou de la compétence).
La compréhension du format audiovisuel est complexe de par les différents canaux sensoriels impliqués qui doivent être traités en mode simultané :
- Le canal visuel : images de fond, langage non verbal, titres ou mots-clés apparaissant à l’écran ;
- Le canal non visuel : langage verbal, bruits de fonds.
L’exploitation de sous-titres vient donc ajouter une nouvelle information visuelle qui apparaît à l’écran et dont le contenu et le temps d’affichage sont calibrés en fonction de plusieurs facteurs (débit de parole, place de l’affichage, durée d’apparition de l’image). Le défilement des sous-titres vient donc ajouter une charge cognitive car le contenu des dialogues (ce qui est dit) n’est pas nécessairement entièrement retranscrit à l’écran et le temps alloué pour la lecture n’est pas forcément adapté au niveau de compétence du téléspectateur ou de la téléspectatrice (tant sur le plan de la langue des sous-titres que sur le plan de la fluence). Ainsi, l’intention originelle de facilitation de la compréhension du message peut en fait se révéler être un obstacle supplémentaire à la compréhension en fonction des contextes.
Par ailleurs, des études montrent que l’œil est automatiquement attiré par les sous-titres, qu’ils soient nécessaires ou non à la compréhension du message, détournant ainsi l’attention de l’image et de ce qui est dit.
Enfin, dans le cas de sous-titres dans une langue différente de celle du film ou de l’émission, la référence simultanée à deux langues différentes peut générer une déperdition sur le plan du sens.
Différents types de sous-titres
Format | Type | Impact sur tout spectateur ou spectatrice |
---|---|---|
Format interlangue standard | Les dialogues sont dans la langue originale du film et les sous-titres sont dans la langue maternelle du pays des spectateurs et spectatrices. Ex. pour la France : la version originale sous-titrée en français (VOSTFR). | Charge cognitive accrue : alternance rapide entre les représentations langagières de deux langues différentes nécessaire, ce qui peut engendrer une difficulté à intégrer les éléments de dialogue. |
Format interlangue inversé | Les dialogues sont dans la langue maternelle des spectateurs et spectatrices et les sous-titres sont dans la langue originale du film. Ex. pour la France : le film est visionné en français (doublage ou version originale) avec des sous-titres en anglais. | Charge cognitive accrue : alternance rapide entre les représentations langagières de deux langues différentes nécessaire, ce qui peut engendrer une difficulté à intégrer les éléments de dialogue. |
Format "intralangue" | Les sous-titres et les dialogues sont dans la langue originale du film, ce format est souvent utilisé pour les personnes présentant une déficience auditive. | Charge cognitive accrue : partage de l’attention du spectateur ou de la spectatrice entre les sous-titres (canal visuel) et les dialogues (canal auditif) pour lier ce qui est lu et entendu, souvent au détriment du contexte donné par les images (canal visuel). Relier le mot écrit au mot utilisé peut s’avérer difficile voire impossible dans le cas de sous-titres écourtés. |
Version originale | Le film ou l’émission sont regardés dans leur version originale sans sous-titres. | / |
Différents impacts en fonction du contexte
Profil du spectateur ou de la spectatrice dans la langue étrangère | Format retenu | Impact sur la compréhension |
---|---|---|
Peu autonome dans la langue, niveau débutant | Format interlangue standard | Certaines études montrent que ce format interlangues génère des interférences lexicales et aurait un impact très limité. |
Format « intralangue » | Certaines études démontrent un impact sur l’acquisition du vocabulaire. | |
Format interlangue inversé | Meilleure restitution des dialogues (à partir de questions et d’extraits de scripts lacunaires) -> meilleure restitution des mots constatée dans la langue étudiée -> favorisent l’acquisition du vocabulaire. | |
Niveau intermédiaire | Peu importe le format avec sous-titres. | Les performances en restitution des dialogues et acquisition du vocabulaire restent stables. |
Niveau avancé | Les performances de compréhension diminuent en raison de la charge cognitive induite alors même que la présence de sous-titres n’est pas nécessaire. |
Article complet sur The Conversation : https://theconversation.com/pour-apprendre-une-langue-etrangere-les-films-sous-titres-sont-ils-utiles-177169
Préconisations pédagogiques : la place des sous-titres dans le cours de LVE
En production : quelques exemples d’exploitation pédagogique
Sans nécessairement être l’objet principal d’une séquence d’apprentissage, la place des sous-titres dans un pays anglophone peut faire l’objet d’une étude en classe afin de voir le rôle qu’ils jouent dans l’inclusion, dans le partage des informations et des émotions, etc.
Des tâches de production peuvent également être envisagées.
Enseignement | Cadre possible | Activités possibles |
---|---|---|
Tronc commun | > Entraînement à la médiation en langue-cible.
> Programme : Langages (Cycle 4), Diversité et inclusion (Première et Terminale). |
> Créer les sous-titres en langue-cible en respectant le code régissant les sous-titres (-> contrainte forte sur la forme et le contenu). > Créer des sous-titres d’une émission / d’une scène de film pour des personnes présentant une déficience auditive. |
Enseignement de spécialité | > Au titre d’entraînement à l’exercice de traduction ou transposition ou de la médiation en langue-cible. > Programme : Rencontres (LLCER anglais, Première) / Représentations (LLCER AMC, Première) / Expression et construction de soi (LLCER anglais, Terminale) / Faire société (LLCER AMC, Terminale). |
>Imaginer / créer les sous-titres en langue française d’une scène de film vue sans son OU à l’issue de son étude. >Créer les sous-titres d’une émission / d’un film en langue-cible / française et les comparer aux sous-titres officiels pour faire émerger des choix de traduction liés à la culture de la langue, des choix liés au code régissant les sous-titres dans le pays de la langue étudiée ou encore à l’adaptation au public visé. |
Collège et lycée : tronc commun, enseignement de spécialité. | Dans le cadre de l’entraînement à la médiation à la maison. | Imaginer les sous-titres en langue française pour un extrait d’émission ou une scène de film. |
En réception
L’utilisation des sous-titres vient ajouter une charge cognitive supplémentaire qui peut s’avérer néfaste notamment dans le cas d’apprenants assez autonomes dans l’utilisation de la langue. En ce qui concerne les autres profils d’apprenants, il conviendra de recommander un format adapté à leur niveau d’autonomie langagière.
Si l’usage des sous-titres peut favoriser l’acquisition du lexique, en particulier dans le format interlangue inversé, il ne participe pas au développement des compétences en compréhension de l’oral ni audio-visuelle, où c’est en mettant en œuvre des stratégies de réception de façon active que l’apprenant développera son autonomie langagière (mise en réseau d’indices verbaux et non verbaux pour reconstruire le sens). L’exploitation des sous-titres permet donc d’encourager une exposition à la langue mais ne saurait se substituer à l’entraînement des stratégies d’apprentissage nécessaires à l’autonomie langagière des élèves.
Ainsi, les sous-titres pourront s’avérer utiles en complément du cours de langue, à la maison, à condition de conseiller l’usage adapté au profil de l’élève. En particulier, dans le cas d’un profil d’apprenant autonome, l’usage des sous-titres sera déconseillé, dans les autres cas le format interlangue inversé sera recommandé.
L’évaluation de la compréhension audiovisuelle
Le CECRL propose une échelle de descripteurs propre à la compréhension audiovisuelle. Dans le cadre de l’évaluation, seuls les supports visuels tels que les images ou les titres apparaissant à l’écran et les informations entendues sont les indices à prendre en compte pour reconstruire le sens d’un message.
Dans le choix des supports d’entraînement et d’évaluation, on veillera à ce que le support audiovisuel sélectionné ne présente pas un excès d’informations à l’écran qui viendraient parasiter la compréhension du message ou bien restituer les informations essentielles du message, ce qui de fait ajouterait une charge cognitive importante que les élèves ne seraient pas toujours en capacité de traiter, mais ce qui transformerait également l’exercice en restitution de messages écrits pendant un court lapse de temps uniquement.