I. Le contexte pédagogique
Souvent les examinateurs de l'oral de l'EAF constatent un certain nombre de carences chez les candidats, carences qui se sont accentuées ces dernières années.
D'une part la dimension particulière de l'oral n'est pas prise en compte :
Les élèves ont souvent tendance à lire leur analyse ou bien la parole est balbutiante, hachée, voire dans les cas extrêmes difficilement compréhensible. En fait on ne prend pas en compte le fait qu'il s'agit aussi d'un exercice de communication (ce que rappellent les instructions officielles) et qu'une intervention orale présente une spécificité dont il faut être conscient et à laquelle on se prépare. Ce problème se manifeste dès la lecture des textes, considérée la plupart du temps comme une formalité un peu ennuyeuse qui ne donne que très rarement l'occasion de commencer à faire vivre le sens du texte.
Par ailleurs la deuxième partie de l'oral, l'entretien, est de plus en plus déficiente.
En effet si la plupart des élèves parviennent tant bien que mal à construire une lecture du texte pour la première partie, trop souvent les questions d'entretien restent sans réponses. Au mieux les réponses témoignent d'une culture approximative concernant les objets d'étude concernés. On observe notamment une difficulté à établir des liens entre les textes, voire entre les objets d'étude.
Quelle préparation à l'oral?
Une des causes de ces déficiences est sans doute à rechercher dans les conditions de préparation à l'oral.
Peut-être avons-nous tendance à survaloriser l'écrit. Mais surtout nous manquons de temps pour entrainer en classe nos élèves à la présentation orale. A ceci s'ajoute le fait que certains élèves rencontrent les plus grandes difficultés psychologiques à se retrouver exposés devant la classe.
Pour préparer à l'entretien, toute une série d'activités peut être mise en oeuvre (exposés, études de synthèses etc.) mais il est parfois difficile de sensibiliser les élèves au contexte culturel d'un groupement de texte.
Le dispositif présenté ici ne prétend pas bien sûr régler miraculeusement les déficiences des élèves à l'oral. C'est une possibilité parmi d'autres qui semble donner des résultats encourageants après deux années d'expérimentation.
II. La mise en oeuvre
Les modalités mises en oeuvre l'ont été à partir d'une plate-forme Moodle. Il s'agit d'une interface en ligne conçue pour l'enseignement qui fait partie du catalogue des applications gratuites mises à disposition par la mission TICE de l'académie d'Orléans-Tours et qui s'intégreront dans les futurs ENT. Pour ce qui concerne l'échange de fichiers sons, bien d'autres possibilités existent. Ainsi de nombreux établissements offrent désormais la possibilité aux élèves de déposer des fichiers sur des espaces numériques dédiés.
Par ailleurs les élèves doivent avoir la possibilité de s'enregistrer en utilisant le logiciel gratuit Audacity, soit chez eux, soit dans l'établissement.
Les modalités : 1) travailler avec les sons numériques
Les fichiers sons déposés sur la plateforme sont de différentes natures :
Des fichiers déposés par le professeur :
Un exemple de lecture de "Parfum exotique" de Baudelaire dit par l'acteur Daniel Mesguish ; disponible sur le site texteImage (avec autorisation de l'éditeur)
D'autre part des synthèses élaborées au moment de la lecture du texte en classe qui ont pour objectif de rappeler et de mettre en perspective les grandes lignes du texte.
Un exemple de synthèse sur une lecture d'un extrait des "Caractères" de La Bruyère ( Du mérite personnel 27)
Des fichiers enregistrés et déposés par les élèves
Ce sont soit de simples lectures, soit des propositions de lecture analytique des textes étudiés. En enregistrant leur lecture des textes, les élèves sont sensibilisés à l'importance de l'acte de lire; en respectant le texte, ils font un travail de diction qu'ils ont rarement l'occasion d'effectuer en classe. Ils sont encouragés dans cette action par une note pondérée qui vient améliorer les notes des devoirs habituels.
Un exemple de lecture de "Aube" d'Arthur Rimbaud
Pour ce qui est des lectures analytiques, elles donnent lieu à une véritable construction de l'oral que l'élève élabore à son rythme. Elles ne sont accessibles qu'à l'élève auteur et au professeur sauf quand elles peuvent servir de référence pour les autres: dans ce cas, avec l'accord de l'intéressé elles sont mises à disposition de tous. Il s'agit alors d'un exemple précieux qui montre aux élèves ce que peut faire l'un d'entre eux.
Un exemple de lecture analytique mise en ligne pour toute la classe
Ce dispositif permet donc aux élèves de travailler l'oral en dehors des heures de cours et de disposer d'exemple précis auxquels ils peuvent se référer jusqu'à l'examen . Le professeur écoute les fichiers chez lui, ce qui évite de consacrer du temps d'écoute en classe. L'évaluation de ces fichiers sons prend alors le même statut que la correction des copies.
Les modalités : 2) construire un glossaire
Parmi les nombreuses activités offertes par la plate-forme Moodle figure le glossaire. Comme son nom l'indique elle permet de constituer un répertoire de définitions de notions afférentes au cours.
On demande aux élèves de construire eux-mêmes petit à petit le glossaire des mots-clés qui correspondent à l'objet d'étude ou le groupement étudié. La consigne est de s'efforcer de réécrire les définitions trouvées ici et là ou au minimum indiquer la source en tenant compte des droits d'auteur. Les entrées ne sont affichées que lorsqu'elles ont été validées par le professeur.
L'intérêt est double:
D'une part les élèves construisent eux-mêmes le lexique dont ils pensent avoir besoin. Même s'ils vont s'inspirer largement d'une définition dans une encyclopédie, on peut penser qu'ils s'approprient mieux la notion que si elle leur est simplement communiquée. On insiste par ailleurs sur le fait de réécrire la définition de manière à ce qu'elle soit compréhensible par tous. Cette activité, outre les connaissances qu'elle peut apporter constitue donc également un bon exercice d'écriture .
Par ailleurs chaque fois qu'un terme est défini, il apparaît sous forme de lien dans tout le site ( c'est le même fonctionnement que wikipédia): ainsi se constitue un réseau de notions accessibles à tout moment lorsque l'élève navigue dans le cours en ligne.
Un aperçu des interfaces
III. Pourquoi utiliser le nuémrique?
On aura compris que l'intérêt de ces dispositifs réside principalement dans le fait de permettre aux élèves de travailler en dehors de la classe et contribue donc à renforcer leur autonomie tout en permettant des activités qu'il est difficile de mener en classe. Ils invitent en outre les élèves à être attentifs à certains aspects de la construction de leurs compétences qu'ils laissent parfois de côté.
Néanmoins le principal écueil réside dans le fait que certains élèves de la classe (une petite minorité dans notre cas) ne participent pas à ces activités parce qu'ils ne disposent pas des équipements nécessaires et qu'ils n'acceptent pas d'utiliser les équipements du lycée comme ils en auraient la possibilité. Dans l'état actuel des choses, il est difficile de les y contraindre.
Christian PERRIER