TraAM Documentation 2024-2025

Projet innovant : #ClasseLive - article réflexif

Retour réflexif sur l’action académique menée dans le cadre de la semaine de la Presse est des médias par plusieurs collègues professeurs documentalistes avec des élèves de collèges, de Lycées, d’EREA dans l’Eure et Loir, le Loiret, Le Cher et l’Indre et Loire

Publié le 02/07/2025

1 - État de la recherche sur la validation collaborative de l’information
Dans une étude datée de 2014, Jérôme Dinet, Robin Vivian et Brigitte Simonnot s’intéressent à l’influence de l’aspect relationnel sur la performance de jeunes élèves en situation de recherche d’informations. Leurs conclusions principales sont les suivantes :
 les jeunes élèves placés en binômes sont toujours plus efficaces dans leur recherche d’information que s’ils l’effectuent seuls,
 les binômes trouvent significativement plus de bonnes réponses lorsque les élèves n’entretiennent pas de relation d’amitié entre eux,
 à l’inverse, si les élèves entretiennent des relations d’amitié, les binômes produisent significativement plus de requêtes non pertinentes par rapport au thème de la recherche,
 les interactions verbales d’élèves n’entretenant pas de relations amicales visent à faciliter le travail, alors que celles entre les élèves entretenant des relations amicales sont plutôt consacrées à traiter des conflits entre eux.
La conclusion de l’étude montre que la recherche collaborative sur Internet semble présenter des avantages pour les jeunes usagers, et qu’il serait pertinent de se préoccuper des compétences affectives des élèves pour améliorer les performances en recherche d’information sur Internet en facilitant les interactions des jeunes élèves associés dans une recherche.
2. Une élaboration collaborative de propositions appuyées sur une recherche : le Safer Internet Day dans l’académie d’Orléans-Tours
 Le projet : nos hypothèses
L’idée de l’équipe TraAM Documentation d’Orléans-Tours était de mettre les élèves dans la situation de produire collectivement des propositions pour répondre à une problématique, en étayant leurs propositions sur des sources, et de les partager en direct. L’hypothèse retenue était que les productions des élèves seraient plus riches, couvriraient un champ plus varié, s’ils étaient dans une situation de communication réelle, avec des pairs en présence, mais aussi avec des pairs à distance.
 Le dispositif : #ClasseLive
Six établissements engagés (un EREA, un lycée général et technologique, un LP, trois collèges de profils différents). 138 élèves de la 6e au CAP et à la 2nde. Parmi eux, des classes ou des groupes (un groupe d’éco-délégués et un groupe d’ambassadeurs contre le harcèlement).
Deux temps synchrones : 2h le lundi 24 mars, 2h le mardi 25 mars.
Une thématique entrant dans le cadre du Safer Internet Day : « améliorer la place des filles dans l’univers des jeux vidéo ».
Deux canaux : une visio-conférence pour les échanges oraux, et les comptes Mastodon des établissements pour les échanges via le réseau social.
Deux invitées : deux gameuses ayant accepté de prêter l’éclairage de leur regard expert aux élèves.
 Déroulement de l’événement
En amont : un sondage est passé auprès des élèves des établissements concernés (environ 600 réponses) sur leur pratique des jeux vidéo, leur regard sur la place des filles, l’égalité filles-garçons et le cyber-harcèlement dans l’univers vidéo-ludique.
 Le jour même : les gameuses se présentent et présentent leur parcours, elles répondent aux questions des élèves dans la visioconférence. Une présentation rapide des principaux résultats du sondage est faite collectivement, puis les élèves sont invités à un temps d’élaboration collaborative de propositions. Chaque groupe d’élève est appelé à rédiger une proposition pour favoriser la place des filles et des femmes dans l’univers vidéo-ludique et à la poster sur le réseau social. Les autres élèves (de l’établissement ou des autres établissements) ainsi que les gameuses peuvent répondre aux messages publiés. Chaque proposition doit être étayée par une source dont le lien doit figurer dans le message publié.
Éléments d’évaluation

  • Éléments quantitatifs :
     une quarantaine de questions ont été posées aux gameuses, soit dans la visio-conférence soit via le réseau social.
     une trentaine de messages (toots) ont été postés sur le réseau social par les élèves pour faire des propositions.
     une vingtaine de toots supplémentaires ont été préparés mais non postés faute de temps.
  • Éléments qualitatifs :
    On constate une différence d’impact en fonction du niveau des élèves et de leur degré d’aisance avec les outils comme avec la recherche, mais aussi leur degré d’aisance relationnelle.
    Au lycée général (classe de 2nde) et au lycée professionnel, les conclusions sont assez similaires à celles des collèges dans lequel les élèves ciblés étaient les ambassadeurs contre le harcèlement (des élèves à l’aise autant avec les compétences info-documentaires qu’avec les compétences psycho-sociales), et des classes de 4e dans le cadre d’un projet « média ». Le fait d’être en visioconférence avec des expertes du domaine a sensiblement augmenté la motivation et l’implication des élèves, d’autant qu’il y a eu des interactions via le réseau social. Les gameuses ont par exemple réagi aux propositions des élèves, (ce qui aurait pu permettre de les améliorer s’il y avait eu assez de temps pour le faire), et lancé des pistes qui ont été prises comme un challenge (la démarche type « journalisme de solutions » a amené les élèves à prendre position et à être actifs).
    Le degré d’implication des élèves a donc été sans doute plus élevé que dans une recherche d’informations classique (on peut aussi penser que le fait d’être en situation d’interaction réelle a joué), et cela a aussi été renforcé par l’utilisation du réseau social comme vecteur de communication des propositions. Cette situation de communication réelle semble avoir renforcé l’efficacité du questionnement des élèves, les élèves se montrant plus engagés dans la tâche et plus actifs dans leur groupe de travail. La recherche est donc rendue plus efficace. Le frein principal a été le manque de temps pour que les élèves soient suffisamment à l’aise avec l’outil de réseau social afin d’entrer véritablement en interaction.
    En EREA par contre, avec des élèves de CAP, plusieurs freins ont émergé : la visioconférence n’était pas un levier, car les élèves avaient peur d’être filmés. Les élèves ont eu plus de mal à prendre du recul avec la thématique (un élève s’est senti mis en accusation en tant que joueur, par exemple). D’autre part, la situation de communication a été plus compliquée : les élèves n’osaient pas prendre la parole dans la visioconférence, et leurs difficultés dans le passage à l’écrit a rendu difficile leur production de messages sur le réseau social (il a fallu procéder par dictée à l’adulte). Pour les élèves les plus jeunes, la multiplicité des tâches à accomplir dans le même temps a constitué un frein (c’est le cas notamment au collège pour des 4e). De même, dans les situations de groupe-classe, la visioconférence a été moins stimulante que pour les plus petits groupes. Dans ce cas, les problèmes techniques liés à la visioconférence en grand groupe (problèmes de son par exemple) ont rendu l’écoute plus difficile. Les échanges, dans ce cas, ont été plus constructifs ensuite via Mastodon (dans une situation de communication plus personnalisée).
    Ces éléments d’évaluation, même si nous étions dans le simple cadre de l’expérimentation pédagogique et non dans celui de la recherche, semblent corroborer les propos de Jérôme Dinet, Robin Vivian, Brigitte Simonnot.

Nous avons pu observer qu’une bonne maîtrise des compétences psycho-sociales,-comme chez nos élèves les plus âgés, ou nos élèves engagés dans le projet Ambassadeurs contre le harcèlement-, sont un levier pour favoriser d’autres compétences comme celles d’être capable d’exposer l’expression de sa sensibilité et de ses opinions en situation concrète, celle d’apprendre à respecter celles des autres dans le cadre d’une publication ou d’une réaction en ligne. De plus cette action a permis, en amont et aval des #ClasseLive de travailler les compétences liées à la recherche et à la vérification de l’information, donc d’apprendre à exercer son esprit critique en le confrontant à celui des autres.

L’équipe des TraAmDoc 2024-2025