
4-Vérifier collectivement des images : s’entraider pour dissocier le faux du vrai.
Cette séquence fait suite à une expérimentation menée autour de la comparaison entre création d’images par intelligence artificielle et propositions en groupes collaboratifs pour imaginer la ville de demain. Deux des collèges engagés dans l’expérience ont décidé de poursuivre une réflexion sur l’apport de la collaboration dans la vérification d’images, qu’elles soient produites par intelligence artificielle ou non. Le dispositif imaginé repose sur un pad collaboratif dans lequel les élèves des deux établissements peuvent venir commenter la véracité d’une série d’images déposées par le professeur documentaliste.
Publié le 16/06/2025 | Modifié le 02/07/2025
Compte-rendu d’expérience :
Cette séquence fait suite à l’expérimentation menée en 2023-2024 autour de la comparaison entre la création d’images par intelligence artificielle et des propositions faites en groupes collaboratifs pour imaginer la ville de demain. Deux des collèges engagés dans l’expérience l’an dernier ont décidé de poursuivre une réflexion sur l’apport de la collaboration dans la vérification d’images, qu’elles soient produites par intelligence artificielle ou non.
Ce scénario a été réalisé avant la publication du cadre d’usage de l’IA en éducation, il a été expérimenté avec des 6e. Il est réutilisable à condition que le professeur assure lui-même la manipulation de l’IA, ou l’adapte au programme de la classe de 4e ou 3e.
Modalités :
Classe concernée
6ème (en demi-groupe)
Lieu
CDI
Séances
1h 30
Objectifs de la séquence :
Socle commun :
• Organiser son travail dans le cadre d’un groupe pour élaborer une tâche commune et/ou une production collective et mettre à la disposition des autres ses compétences et ses connaissances. Programme cycle 3. Histoire-géographie. Domaine 2.2.
• Interroger la fiabilité des sources des informations recueillies. Programme cycle 3. Domaine 2.3.
CRCN : Compétence 2.3 Collaborer
• Niveau 2 : Utiliser un dispositif d’écriture collaborative adapté à un projet afin de partager des idées et de coproduire des contenus.
Contexte
Public :
La séance est menée avec plusieurs groupes de 6e, d’un niveau hétérogène mais plutôt satisfaisant à très bon.
Constat de départ :
La fabrication d’images avec l’aide de l’IAg expérimentée l’an dernier nous a amenés à rencontrer des difficultés techniques multiples (nombre limité de créations par compte gratuit, relative stéréotypie des images générées…) qui ont montré la supériorité de la créativité collaborative des élèves pour imaginer des solutions à un problème d’aménagement collectif (penser la ville de demain). Ces limites nous ont conduits à recentrer le projet non sur la création mais sur la validation collaborative des images.
Ressources utilisées :
Un panel de photographies à vérifier par les élèves, proposé par le professeur documentaliste (collège La Marquisanne, Toulon).
Outils numériques :
• Pad collaboratif en ligne (partage des images, publication des commentaires des élèves).
• Portail e-sidoc du collège Dunois (mise à disposition des ressources pour l’apprentissage).
Déroulement de la séance :
Identifier les types de désinformations liées aux images, vérifier collectivement des images.
• Observer une image relayée sur les réseaux sociaux montrant une foule (25 min.)
Le commentaire présente cette image comme une manifestation de gilets jaunes en 2018 à Clermont-Ferrand (source : « Info ou intox, comment vérifier ? » L. Lemoine et M. Lavignasse. https://view.genially.com/5ed002109be45e112004b2d1/interactive-content-info-ou-intox-copie)
A partir d’une recherche inversée d’images dans un moteur de recherche, les élèves identifient qu’il s’agit d’un détournement de la photographie avec une légende erronée (la foule est composée de supporters de l’ASM, équipe de rugby de Clermont-Ferrand, réunis en 2017 pour une finale de coupe d’Europe). Les élèves émettent des hypothèses, puis on conclut sur les mobiles possibles de désinformation dans ce cas : la volonté de faire partager un point de vue, une opinion.
• Observer une image fabriquée par IAg (15 min.)
L’image montre l’armée de terre cuite dans le mausolée de l’empereur Qin, avec des bus en terre cuite en arrière plan. Un bandeau précise : « image générée par IA » (source : Lemonde.fr). En cours dialogué, les élèves identifient quel est l’élément qui permet de voir que cette image est fausse (anachronisme). On identifie les mobiles de désinformation dans ce cas : la volonté d’amuser, ou de souhait de faire réfléchir sur la fabrication d’images par IAg.
• Lister les éléments qui permettent de valider ou d’invalider une image (10 min.)
A partir des deux exemples vus précédemment et des propositions des élèves, on liste les critères qui permettent de valider ou d’invalider une image : est-ce une image photographiée ou fabriquée par IAg ? La légende correspond-elle à l’image originale ? L’image est-elle plausible par rapport à la réalité (ou à ce qu’on sait de la réalité) ? Qui est son auteur et quelles sont ses intentions ?
• Vérifier une des images proposées (25 min.)
Les élèves consultent le pad rassemblant les images à vérifier, proposées dans le cadre d’un défi pour la Semaine de la presse au collège La Marquisanne de Toulon : VIKI-IA - Digipad by La Digitale
Ils choisissent une des images à vérifier, puis procèdent en autonomie par groupes de deux : consultation des commentaires des autres, observation, recherches… Lorsqu’ils sont prêts, ils proposent un commentaire à la professeure documentaliste avant envoi. Les commentaires sont signés avec le nom du collège d’Orléans pour les différencier de ceux des élèves du collège de Toulon.
Analyse de la démarche pédagogique :
L’hypothèse à l’origine de cette séance était que les élèves seraient plus performants pour vérifier des images s’ils pouvaient échanger avec des pairs autour de leurs observations. Il était difficile de savoir à l’avance si les commentaires des autres élèves sur les images pouvaient influer sur leur propre vérification. Il y avait donc un travail collaboratif à plusieurs niveaux : une analyse menée conjointement par deux élèves confrontant éventuellement leurs points de vue, et une comparaison avec les points de vue énoncés par les élèves dans les commentaires précédemment déposés.
Plus-value pédagogique :
Utiliser un dispositif d’écriture collaborative
• Le pad utilisé ici permet la confrontation des points de vue exprimés avec la possibilité laissée aux élèves qui consultent les capsules de laisser des commentaires et surtout de voir les commentaires des autres.
• Une petite difficulté est créée par le fait que les commentaires sont accessibles par deux biais : directement sous la capsule, ou en ouvrant l’image dans un autre onglet. Dans ce cas, les commentaires ne sont pas dupliqués. Les élèves sont donc parfois passés à côté de certains commentaires déposés, certains ayant rédigé sans tenir compte des remarques des autres élèves.
• L’utilisation d’images assez proches de l’univers des élèves a un effet sur la motivation et l’engagement dans la tâche, ainsi que le « défi » de travailler avec un autre collège éloigné.
Bilan de la séquence
Obstacles rencontrés
Un écueil technique a perturbé le projet, qui s’est déroulé sur plusieurs semaines avant et après les vacances de printemps : le serveur du pad ayant rencontré un problème, les commentaires déposés avant les congés ont été perdus. Il a fallu relancer la participation des élèves dans les deux établissements.
Retour réflexif
Les élèves les plus à l’aise à la fois avec les notions liées à la désinformation et avec les compétences techniques à mettre en œuvre pour vérifier et publier ont aussi été ceux qui ont le plus tenu compte des commentaires des autres pour rédiger leurs propres commentaires. Les élèves moins à l’aise ont été mobilisés par les tâches de vérification, et n’ont pas forcément lu tous les commentaires proposés. D’autre part, le fait que les remarques précédemment déposées soient assez souvent rédigés sans argumentaire a réduit leur prise en compte par les élèves pour rédiger les leurs. Tous les élèves se sont posé la question de la véracité de l’image proposée (ce qui en soit est positif), la plupart a échangé en binôme des hypothèses et arguments, et lu les propositions déjà déposées. Il y a donc bien eu partage de points de vue, mais pas forcément une modification de ce point de vue au regard des avis des autres. Interrogés sur leur stratégie, les élèves témoignent avoir été frappés parfois par le fait que beaucoup de commentaires aient strictement identiques (« l’unanimité était troublante ») mais que malgré tout cela ne les a pas influencé dans l’élaboration de leur propre conviction au sujet de l’image à vérifier.
Caroline Vernay, professeure documentaliste, formatrice académique.
Collège Jean Dunois, Orléans (45)