Écrire la préface d’un recueil de poème pour mieux comprendre l’écriture poétique

Lecture de l’œuvre intégrale : Boris Vian, Je voudrais pas crever, 1962

1. Les particularités de la lecture de poèmes pour les lycéens.

« La poésie semble être devenue un objet problématique » (Karl Canvat, Pratiques, 1997).

Il est vrai que la poésie est le genre littéraire face auquel les élèves se sentent souvent en difficulté car « le poème est un texte par lequel le sens ne parvient pas en son direct au lecteur mais comme un énoncé à plusieurs faces, à plusieurs sons, à plusieurs sens, en plusieurs temps » (Nathalie Brillant-Ranou, Être et devenir lecteur de poèmes, 2020).
La lecture d’un recueil rend cette difficulté face au texte poétique encore plus aiguë car celui-ci se présente, au premier abord, comme une œuvre fragmentée dans laquelle « chaque poème réclame la reconfiguration d’un univers entier » (Rannou).
Ainsi, pour les élèves, la poésie est identifiée comme le genre demandant le plus d’efforts ; la plupart d’entre eux déclarent utiliser la lecture identificatoire pour le roman alors que la lecture distanciée est plus spontanément adoptée pour la poésie (Rannou, enquête de 2005).
Ce constat étant posé, la question est de savoir comment permettre aux élèves de porter sur ce genre un regard différent, celui d’un lecteur allant à la rencontre du texte.

2. La poésie dans les programmes du lycée professionnel.

Des textes poétiques peuvent être étudiés au cours des trois années du cycle de bac professionnel : en seconde à travers la poésie lyrique dans l’objet d’étude « Devenir soi : écritures autobiographiques » ; en terminale, selon les choix du professeur, au sein d’un corpus ou en étudiant les œuvres de James Sacré ou Thierry Metz ; mais c’est surtout au cours de l’année de première, dans l’objet d’étude « Créer, fabriquer : l’invention et l’imaginaire » que les programmes préconisent d’aborder le genre.
Au-delà des genres littéraires, la préface des programmes précise que la discipline permet l’acquisition d’une culture, la construction du jugement : « Discipline de culture, d’interprétation et de réflexion, le français favorise l’appropriation des lectures en développant des démarches d’analyse, aiguise l’esprit critique des élèves et vise à les rendre capables d’exprimer et de formuler une réflexion personnelle »
C’est ce que se propose de faire cette séquence.

3. Présentation de la séquence

Les compétences visées :
  Maîtriser l’échange écrit : lire, analyser, écrire et adapter son expression écrite.
  Devenir un lecteur compétent et critique, adapter sa lecture à la diversité des textes.
  Confronter des connaissances et expériences pour se construire.

Les finalités et enjeux de l’objet d’étude « Créer, fabriquer : l’invention et l’imaginaire » :
  Lire et étudier des poèmes.
  S’interroger sur le processus de création artistique.

Objectif de la séquence
Créer un mini recueil en sélectionnant des poèmes de l’œuvre de Vian puis en écrire la préface dans laquelle leurs choix seront justifiés.

Dispositif d’accompagnement à la lecture de l’œuvre intégrale : Afin de permettre l’adhésion au contrat pédagogique qui sous-tend cette séquence la tâche finale est présentée dès le départ : « l’écriture d’une préface ». Pour encourager une lecture personnelle, subjective du recueil, un rituel de séquence est posé. Entre chaque séance, les élèves lisent progressivement les poèmes de leur choix, notent leurs impressions, relèvent les vers qui leur plaisent pour alimenter en début de chaque séance un temps d’échanges entre lecteurs. Durant ce temps, ils présenteront ce qu’ils ont lu, compris, apprécié ou pas et confronteront leurs points de vue.
En fin de chaque séance, les élèves reviennent sur leur lecture personnelle, notent des éléments qu’ils pourront utiliser pour leur préface suite au travail réaliser en cours.

Pourquoi Boris Vian et pourquoi Je voudrais pas crever ?
Choisir de travailler sur Boris Vian c’est proposer aux élèves de rencontrer un auteur ayant créé son propre monde littéraire, un monde dont le maître mot serait « liberté » (dans le fond comme dans la forme).
La présentation de l’auteur faite lors de la première séance a pour objectif de décomplexer les élèves face à la poésie en leur faisant découvrir un univers ludique et un homme fantasque, souvent léger et même « bizarre » qui est, en général, le premier mot utilisé par les élèves pour définir l’auteur à la fin de cette séance.
Le recueil en lui-même a pour atout d’utiliser un lexique dont la découverte et l’appréhension par les élèves peut se faire avec peu ou pas d’annotations mais bien en contexte.

Déroulement : accompagner pour libérer
La séquence sur Je voudrais pas crever se situe à la suite d’une séquence plus « classique » sur la poésie (en général de part et d’autre de vacances ou d’une PFMP) permettant aux élèves d’aborder l’étude du recueil avec les outils adéquats.

Premier temps : faire découvrir l’univers de Boris Vian.
Pour cela un Génially est utilisé « Qui est Bison Ravi ? » celui-ci prend la forme d’un mini escape game et une fiche d’accompagnement est distribuée. Les élèves alternent les moments de réflexion, de découverte de la vie de Vian et de lecture.
Les dernières minutes de la séance servent à faire un bilan global de ce que les élèves ont découvert et surtout à leur faire exprimer leurs impressions sur Vian. Le recueil est distribué et la tâche finale expliquée.

Deuxième temps : guider dans la découverte du recueil.
L’objectif final de la création du recueil et de l’écriture d’une préface est annoncé et expliqué aux élèves.
Il est intéressant d’expliquer aux élèves que les textes du recueil ont été rassemblés après la mort de l’auteur par sa femme, ainsi l’ordre des textes et le titre du recueil n’ont pas été choisis par Vian mais par quelqu’un d’autre, comme eux seront amenés à le faire.
Pour aider à entrer dans l’œuvre trois poèmes sont étudiés en classe ;
  Je voudrais pas crever, qui reprend tous les thèmes du recueil (amour, vie, mort…) ainsi que ses différents tons ( comique, pathétique, élégiaque…)
  Y avait une lampe de cuivre permet de faire un travail de recherche puis d’étude de l’image sur le thème des vanités.
  Si les poètes étaient moins bêtes, propose une vision poétique du monde et un regard distancié sur la création poétique.
Chaque séance se termine par la confrontation du poème étudié avec d’autres poèmes du recueil abordant le même thème de manière différente. Ces trois séances permettent aux élèves de lire et de saisir la majorité des poèmes les plus résistants du recueil.

Troisième temps : accompagner la création du recueil et l’écriture de sa préface.
La tâche finale est rappelée :
  Lors d’une première étape, les élèves choisissent, dans l’ensemble du recueil, cinq à six poèmes, étudiés en classe ou non.
Ce choix peut être thématique (l’amour, la vie, la mort,…) ou totalement libre en fonction de la sensibilité de chacun.
  La seconde étape consiste en l’écriture d’une préface dans laquelle est attendue la justification du choix des poèmes. Une fiche de synthèse sur l’écriture d’une préface est distribuée comme outil.
Point de vigilance pour l’enseignant : si des élèves parviendront à travailler en autonomie, d’autres auront besoin d’un soutien plus appuyé. Le choix des poèmes n’est pas forcément une activité aisée et certains montreront le besoin d’entendre des formulations différentes des étapes de travail et de l’objectif final à atteindre.

Bibliographie :
Brillant-Rannou, Nathalie, et al., éditeurs. Être et devenir lecteur(s) de poèmes. Presses universitaires de Namur, 2016, https://books.openedition.org/pun/4798.
Plus particulièrement en lien avec cette séance consulter le chapitre : « Le recueil à quatre mains et la lecture dialoguée dans les marges : conception et expérimentation de deux dispositifs de lecture subjective de poésie », Brillant Rannou, p 87-109

Annexes :
 Lien vers le Génially : https://view.genially.com/600fe1c31992660dbca7a818/interactive-content-bison-ravi
 Le déroulé de séquence en téléchargement

David Espinosa