Difficultés liées à la compréhension d'un texte
Avant-Propos
Trop souvent, les logiciels d'aide à la lecture par synthèse vocale sont perçus comme des outils miracle.
Ces outils peuvent certainement apporter une aide dans certains contextes, il reste à bien délimiter le cadre de leur utilisation.
Les difficultés liées à l'utilisation de ces dispositifs peuvent se situer sur le plan technique mais également sur le plan cognitif.
- Sur le plan technique, il faut tenir compte des difficultés liées à la réception d'un texte lu par synthèse
vocale : intonation, prosodie, qualité de la voix, segmentation de l'oral peuvent surprendre et constituer un obstacle à la réception du texte.
- Sur le plan cognitif :
- Le texte peut présenter des difficultés intrinsèques mal évaluées en amont : difficultés lexicales, sémantiques, syntaxiques ou culturelles trop importantes.
- Les difficultés peuvent être liées à la compréhension elle-même, à
la manière dont l'élève s'approprie ou pas les différents niveaux de signification
du texte, à la façon dont l'élève gère et contrôle la compréhension du texte au
fur et à mesure de son écoute.
Les difficultés liées à la compréhension d'un texte
Si l'on considère que comprendre
un discours ou un texte c'est construire une représentation mentale intégrée et
cohérente de la situation décrite par ce discours ou ce texte, on devine d'autres difficultés liées à la compréhension.
Il faut que l'élève soit en
mesure de construire une représentation mentale, de façon progressive et
contrôlée, c'est à dire intégrer des informations nouvelles à une première
construction mentale ou modifier cette construction si les informations
nouvelles ne « collent » pas avec la représentation qu'il a
construite.
Or cette « posture » est souvent peu utilisée ou
sollicitée par les activités « classiques » de lecture. Trop souvent, l'activité de lecture proprement dite se déroule à partir d'une fiche dans
laquelle le texte à lire est suivi d'un questionnaire destiné à contrôler la
compréhension. Une des stratégies les plus utilisées par les élèves consiste à
lire d'abord les questions, puis à aller « à la pêche aux réponses »
dans le texte, sans en faire une lecture linéaire. Cette stratégie, qui est
utilisable par des déchiffreurs, n'est plus du tout opérationnelle pour un non
lecteur à qui l'on propose une écoute du texte : les difficultés liées au
repérage des informations par une
lecture en diagonale deviennent insurmontables lorsqu'il s'agit d'un texte
entendu : comment « survoler» un texte entendu et prélever l'information utile pour répondre à la question ?
Le premier enjeu, c'est
donc de repérer et d'évaluer quelles sont les compétences et attitudes
nécessaires à la construction de la compréhension et l'origine des difficultés.
Des difficultés liées à la construction d'une représentation mentale du
texte entendu :
On peut travailler (ou évaluer) ces
difficultés en proposant à l'élève d'effectuer un rappel de texte : on
demande à l'élève de « redire » le texte entendu avec ses
propres mots, c'est à dire de reformuler. On peut également demander d'effectuer la représentation par un dessin ou plusieurs dessins.
Pour les textes de type narratif, on peut prendre pour indicateurs de réussite
le repérage et la description des personnages, l'enchaînement des différentes
péripéties suivant l'ordre du récit, l'établissement explicite des liens de
causalité.
Pour aider les élèves à acquérir une maîtrise suffisante du rappel de récit, on peut aider à l'évocation des personnages en demandant de préciser :
- ce qui leur arrive et ce qu'ils font
- quels sont leurs buts (pour l'avenir)
et leurs raisons d'agir (qui appartiennent au passé),
- quels sont leurs sentiments et leurs
émotions,
- quels sont leurs connaissances et leurs
raisonnements.
Le repérage des personnages peut
parfois être problématique : les personnages sont référencés par des
substituts (pronoms de rappel, etc) et il est nécessaire de connaître et
construire ces références au fur et à mesure de la lecture ou de l'écoute du
texte. On peut entraîner de façon systématique l'aptitude à suivre les
différentes références à un même personnage, à partir d'une écoute/lecture
progressive du texte où chaque arrêt est motivé par cette recherche (Qui est
« je » ? Qui est « celui-ci » ?)
Des difficultés pour gérer et contrôler la compréhension :
Bien souvent, l'élève ne détecte pas le moment où il « décroche », c'est à dire le
moment où la représentation mentale qu'il est entrain de construire devient
incohérente. Parfois, il se rend compte de son « décrochage », mais
il n'est pas capable de gérer ce décrochage, c'est à dire de reconstruire ou
modifier sa représentation mentale pour la rendre cohérente avec les dernières
informations entendues.
Pour aider les élèves à
contrôler leur compréhension, on peut entraîner à relire de façon stratégique afin de répondre à un questionnaire en aidant les élèves à identifier les
informations « sûres », les informations à vérifier, leur
localisation
:
- Expliquer aux élèves qu'ils doivent
lire ou écouter le texte en entier, le retourner (pour ceux qui ont lu), puis effectuer
un rappel du texte en mentionnant
- s'ils sont sûrs et certains de leur
réponse
- s'ils ne sont pas totalement sûrs de
leur réponse.
- Lorsque les élèves ont terminé, ils peuvent
relire/réécouter le texte pour chercher à valider eux-mêmes les informations
(relecture stratégique), en essayant de préciser ce qu'ils doivent vérifier et
la localisation de l'information dans le texte (début, milieu, fin).
Des difficultés à « lire/comprendre entre les lignes »
Les textes
sont de nature elliptique, beaucoup d'informations sont à déduire ou inférer.
Par exemple, dans le texte suivant :
« Plage
Sainte-Anne (Finistère), deux baigneurs se noyaient. Un touriste s'élança. De
sorte que M. Étienne dut sauver trois personnes. »
La représentation (mentale ou par un dessin) de la situation peut mettre en
évidence un problème de compréhension liée à l'aptitude à inférer, c'est à dire
produire des informations nouvelles compatibles avec les informations
« littérales », en clair, dans le texte.
Exprimer combien il y a de personnes présentes ou qui est le sauveteur
nécessite d'effectuer une inférence.
On peut
entraîner les élèves à produire des inférences
à partir de petits textes, mais également mener un travail spécifique
sur la nature des informations utilisées dans les représentations :
- les
informations données explicitement par le texte
- les
informations que l'on doit inférer
- les
informations que l'on peut inférer
Perspectives :
Accroitre la motivation
Les séances sont construites comme des situations problèmes où la recherche
et la confrontation sont nécessaires, ceci pour permettre de développer les
facteurs de motivation intrinsèque (en particulier ceux basés sur l'auto-détermination, les facteurs hédoniques et les ressorts motivationnels
liés à la coopération, au plaisir d'établir des relations socio-affectives, à
la valorisation de la parole).
Recentrer les objectifs pédagogiques sur la compréhension
Un enjeu
essentiel est autant pour l'enseignant que pour les élèves, de changer ou faire
évoluer ses propres conceptions face à la lecture et plus généralement la
maîtrise de la langue.
- Importance trop grande du passage par l'écrit : le langage oral et le langage écrit
oralisé doivent prendre davantage de place.
- Reconsidérer
la lecture : ce n'est pas une finalité, c'est un moyen (et pas le seul)
pour comprendre. La lecture doit être service de la compréhension mais
également de la littérature.
On
peut très bien faire de la grammaire
(grammaire de texte, mais pas seulement) ou de l'orthographe (étude des
variations morpho-syntaxiques par transformation de phrases observables à l'oral) sans passer par la lecture ou l'écriture.
Cette évolution
des représentations devrait permette également à l'élève de porter un regard
distancié sur ses propres difficultés.